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Pour Jean Raine (1974)

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Ce qui vient là, tache ou signe, ou cri, qui a fait son chemin dans les pliures secrètes de l’âme, bulle d’air aux chatoyances d’enfance avec la saveur de la fleur et de l’amertume du sang de l’accouchement, accouplement intime en dedans du dedans du ventre, monstrueuse fleur en somme, en terrain de viscères, et déjà dans un premier cri, un premier souffle, la soif des champs, le désir éperdu de vert pour auréoler un regard, pour enivrer une âme, venu de très loin en tortueux chemin, qui a ses cailloux, ses fossés, et ses trappes, ses pièges de cendre et ses gouffres d’aumônes insolentes, de regards de biais, et de mots qui blessent jusqu’à la moëlle.

La couleur des colères fait son entrée par travers, comme honteuse, gauche elle se gausse cependant, s’est moquée, parce que le savoir pour bagage et la crainte, et dessous tout cela, déjà, les affres de la solitude. Je dis affres parce qu’on s’y repaît de soi-même en se détestant de n’être que la connaissance de ses limites. Taches, à défaut de mots justes, en dépit des grammaires, en défi des silences qui vont s’affirmer grandement autour de ce cloaque, qui a les teintes du bleu à l’aurore de la mer, et les noirs tressautants de la nuit, quand en dedans de soi on est vidé d’espoir, et qu’on a fermé les yeux, hivernant dans sa douleur. Hébergé par ses démons rouge et jaune en danse grotesque, en masques qui ruissellent de lambeaux de chair, de méandres végétaux, car le corps s’est tracé un chemin dans les lianes des jours et forêts folles d’être vierges.