En général rien de moins ressemblant au sujet - je dis bien au sujet et non pas au modèle - que ces photos crachées par les "photomatons" ou autres appareils mécaniques qui réalisent le prodige, sans l’intervention d’un photographe, de donner une image de bagnard ou de débile à la personne acculée à fournir la preuve de son identité civile et judiciaire. Face à leur objectif, il est vain de jouer aux Greta Garbo et de n’offrir que son bon profil. Quant à la face, le flash nous écrase le groin comme le direct d’un boxeur. Un musée de la carte d’identité serait de nature à nous déboussoler complètement, à rendre nos proches ridicules, nos amis répulsifs et ressemblant à nos pires ennemis, nos grands hommes misérables. Je préconiserais cependant une mesure sans exception consistant à obliger chacun à se faire connaître par autrui - je ne dis pas se faire reconnaître - sous ce reflet, je ne sais en fait de quel droit, nous portons un jugement de valeur négative.
Rien ne prouve que sous ce jour, nous ne sommes pas aussi "vrais" que sur la pellicule que trafique le talent d’un "bon photographe" opérant avec toutes les ressources de sa subjectivité et des subtilités avec lesquelles il utilise les sophistications de la technique. En fait de subjectivité, l’appareil mécanique ne se révèle pas inférieur à celui que contrôle l’oeil humain. Tout compte fait on en arrive à se demander ce que seraient les images si la photographie avait été inventée non par Niepce et Daguerre mais par le cheval ou par les dinosaures. Une parenthèse concernant l’intervention de la couleur dans ce jeu de massacre : le rouge devient électivement vert, les couleurs pâlissent et se fondent en flous et dégradés. Nous atteignons au sommet de l’art pour peu qu’un sourire esquissé donne à la photo les qualités picturales de la Joconde (Léonard de Vinci, de fait est un précurseur de la photo mécanique et à ce titre retient notre attention).