Ayant perdu son père dès l’âge de huit ans, le jeune Jean-Philippe Robert Geenen doit endosser la lourde responsabilité de "chef de famille". Au lycée, il s’initie au surréalisme sous la conduite d’un professeur éclairé et connaît bientôt une courte mais profonde crise mystique. Durant l’occupation allemande, il dévore le théâtre de Michel de Ghelderode et fréquente le groupe des surréaliste belges, rencontrant Magritte, Lecomte et Scutenaire.
Avec ses anciens condisciples de lycée, Luc de Heusch et Hubert Juin, il fonde une revue en 1943 et adopte son pseudonyme. Menant de front des études de sciences politiques et administratives et d’histoire de l’Art à l’Université de Bruxelles, Raine participe à l’effervescence qui règne alors dans la capitale belge et entre bientôt en contact avec les membres du groupe Cobra, dont Pierre Alechinsky qui devient un ami proche. A l’invitation d’Henri Langlois, il se rend à Paris pour travailler à la Cinémathèque française, collaborant bientôt à la réalisation de nombreux documentaires et films expérimentaux en Belgique.
Tout en menant une intense activité littéraire, Jean Raine se consacre plus régulièrement à la peinture à partir de 1957. Bientôt victime de premières graves crises de delirium tremens dues à l’abus d’alcool, il perd pour un temps la perception des couleurs. Durant une période d’abstinence, en 1962, Jean Raine participe à la réadaptation de malades mentaux au sein d’une association qu’il a contribué à fonder. C’est là qu’il rencontre Sanky Rolin Hymans qui deviendra sa troisième femme.
L’ayant suivie à San Francisco où elle continue sa formation d’infirmière sociale. Raine poursuit la production de grandes encres peintes sur papier, son support de prédilection, marouflé sur toile. Comme "Le Désastre des éperons d’or" peint la même année (Villeurbanne FRAC Rhône-Alpes), "Le Jeu des Sycophantes", qui appartient à cette période américaine (1966-1968), convoque les masques au regard obsédant qui hantent la majeure partie de son oeuvre. Ces fourbes et dérisoires délateurs (sycophante vient du grec "dénonciateur de voleurs de figues") rejoignant ainsi la cohorte des démons intimes que Jean Raine, empruntant ses enchainements à l’automatisme prôné par les surréalistes, fait surgir d’un pinceau fiévreux.
Proches par l’esprit de certaines productions du groupe Cobra, les encres de cette époque précèdent de peu l’évolution de Raine vers la couleur et une écriture plus dense, plus convulsive aussi. Installé à Lyon à partir de 1968, Jean Raine, rongé par un alcoolisme lucidement assumé, continuera à créer dans l’isolement de son atelier de Rochetaillée, isolement seulement rompu par le soutien actif du critique René Deroudille qui présentera sa première exposition lyonnaise à la galerie l’Oeil écoute au printemps 1972.