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Jean Raine (1991)

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Cette exposition est sans doute en retrait, du point de vue pictural, par rapport à la superbe rétrospective de Saint Priest il y a trois ans par le nombre et la qualité des oeuvres. Mais les films, livres et catalogues apportent un intéressant regard anthropologique sur le personnage et l’oeuvre de Jean Raine.

Jean Raine nous apparaît ici dans la tradition de ’l’artiste maudit" tel que le XIXè siècle nous l’a laissé : hors du monde, guettant l’alcool, en souffrance. Ce n’est pas un jeu mais la torture et la vie réelle d’un homme qui a produit une oeuvre de très haut niveau.. Pour des raisons connues et inconnues, Jean Raine s’est beaucoup mis en scène : il se fait filmer peignant presque nu, en corps à corps avec l’acte de peindre, ou reçoit la caméra dans son lit. Comme un Dali pitoyable et imprécateur. L’homme veut apparaître ainsi, tutoyant les limites traditionnelles : folie, auto-destruction, jeu de rôle. L’être souffre d’être. L’artiste, bien que connu de son milieu - il est passé par Cobra et une carrière internationale avant d’échouer à Rochetaillée - n’est pas véritablement reconnu.

Un grand oeuvre
Reste l’oeuvre : violente, forte, autonome, réelle, concrète, là. Elle, comme l’homme, a rencontré Ghelderode, Breton, Broodthaers, Langlois, Alechinsky ou les malades mentaux du Vinatier. Elle sort du ventre et de l’encéphale. Les films me semblent plus relever du jeu et les poèmes de l’imprécation. Mais on ne peut les évacuer d’un coup de plume, pas plus que toute cette création tournée sur elle-même jusqu’au nombrilisme. La peinture de Jean Raine me paraît pourtant d’une richesse intérieure plus totale en moins transparent et exhibitionniste : je veux dire moins offerte, moins attentive au regard de l’autre. Ces tourbillons dévoreurs et rongés touchent à la vérité sans fard ni affûtiaux de l’homme et de l’artiste.