texte

Fragments Météoriques (2007)

Auteur :
label extraits :

La vie, l’oeuvre, la trajectoire de Jean Raine furent celles d’un rayon cosmique, qui a frôlé la terre, ou bien qui a traversé le monde des humains sans laisser de trace immédiatement détectable. Je travaille à mon oeuvre posthume", clamait-il.

Ses oeuvres sont donc là, traces irréfutables de son passage à proximité de l’histoire connue de l’art et des artistes. Il convient maintenant de les reconnaître.

Jean-Philippe Robert Geenen dit Jean Raine naît à Schaerbeek le 24 janvier 1927. Il participe en tant que poète et cinéaste à l’aventure du groupe Cobra. Très intéressé par le surréalisme, il avait à Bruxelles, rencontré René Magritte. Dès son arrivée à Paris, il rend visité à André Breton qui lui fait connaître le Docteur Pierre Mabille avec lequel il réalisa son premier film documentaire sur le Test du Village.

Alors que toute sa vieJean Raine écrivit poèmes et textes, les mots peu à peu lui semblent insuffisants et il commence à dessiner puis à peindre.En 1962, son ami Marcel Broodthaers le présente à Philippe Toussaint, propriétaire de la galerie Saint Laurent à Bruxelles où il exposera pour la première fois, préfacé par Marcel Lecomte. A Paris, Pierre Alechinsky l’introduit auprès de la Galerie du Ranelagh préfacé par Christiane Rochefort. Il expose dans les universités de Berkeley et Stanford, ainsi que dans des galeries de San Francisco et de Los Angelès.

A partir de 1968, Jean Raine s’installe définitivement à Lyon. Depuis 1970, attiré à Calice Ligure par Théodore Koenigun ami de longue date, il séjournera tous les étés en Italie où il aura de nombreuses expositions.

Il fut donc à la fois témoin, acteur, et révélateur turbulent des enjeux de sa génération. Compagnon de route, impliqué et détaché, miroir amplificateur, déformateur, reformateur, sarcastique. Son angoisse lucide, ses jeux de masques, son empoignade avec la mort, ses dégoûts véhéments et ses hantises ricanantes relèvent de la pratique d’un dadaïsme original. Il fut un essayiste de la provocation jusqu’à la liquidation physique du provocateur.

"Chaque fois que je me mets à peindre, je me lance avec frénésie dans ce qu’on appelle une série, comme si, de tableau en tableau, se développait une chaîne qui devait être un cycle complet, symboliser toute une vie, faire une oeuvre à chaque fois. A chaque toile je me demande si ce ne sera pas la dernière. En fait elle l’est. J’en commence une autre pour ressusciter. La série achevée, hors d’haleine, le purgatoire, la dépression de la post parturiante, la mise hors combat."

En 1963, il expérimente l’action de la psylocibine sur sa façon de peindre. Il considère que cela ne lui apportait pas grand chose et que cela brouillait sa vision. L’alcool étant plus significatif quand à la désinhibition qu’il lui procurait. Toute sa vie, il suivit dangereusement les chemins du "hasard objectif" chers à ses amis surréalistes.

Le surréalisme, cette comète qui frôla notre planète, et dont la queue dispersa à la surface de la terre quelques météorites témoins d’une incandescence passée. Les oeuvres de Jean Raine sont ces fragments météoriques.