Jean Raine est un des seuls peintres de Cobra à ne pas avoir trouvé son casier dans le fichier central de l’art contemporain, c’est déjà une bonne raison pour s’y intéresser de près. Jean Raine n’a donc rien d’un écornifleur, il se fiche de nos nouveaux figurants à la (souvent) triste figure qui promènent leurs (déjà) vieux miroirs piqués le long d’une improbable "modernité". Deuxième raison (puisque les censeurs montrent leur museaux) : l’intense poésie de ses fantasmagories. Voilà une peinture qui porte (omnibus sensibus), ou mieux qui enlève tant le mouvement y est vaste et drue la couleur. Vrai, cette peinture a de l’envergure. Elle est écumante, tempétueuse, visionnaire. (Au petit jeu des filiations si cher aux critiques, un seul nom me vient à l’esprit : William Blake, sans doute à cause de l’Apocalypse).
Jean Raine est donc une sorte de génie nostalgique d’un art total, comme à la Renaissance. Je ne m’emballe pas, je constate. Pour lui, peinture et poésie (car il est aussi poète) n’ont de sens que compris dans un Savoir sans faille : il ignore la minutie des faibles (qui est, au sens strict émiettement). L’art en blouse blanche n’est pas son fait. Il faut entendre ses grandes traînées mugissantes dont émanent de délirantes gigantomachies comme une rupture avec cette société de nains domestiqués.
J’ajoute enfin qu’oublier Jean Raine, ce serait priver Cobra de sa glande à venin et le condamner à lézarder comme un vulgaire piton d’appartement. Simple cas de figure, car Jean Raine a aussi l’art de se rendre insupportable, quand les nains ne font qu’essayer. Il est vraiment présent comme ça, c’est son mode d’être, tant mieux pour l’art.