texte

Esquisse sur le trop-perçu du réalisme (1973)

Auteur :
label extraits :

Petite phénoménologie des Editions du Subréalisme pour s’en servir.

ETANT DONNE... Oui, voilà l’affaire emmanchée, la belle affaire : qu’est-ce-qui peut "être donné", en somme ? "Il n’y a qu’à ouvrir les yeux, soutient le sociétaire réaliste, pour voir ce qui EST".

IL N’Y A QU’A... Oui donc le voilà coincé à en crever, le bec dans l’eau, la gueule dans tout ce qui grouille sans rendre de comptes à personne.

IL N’Y A QU’A... belle confusion aussi délirante qu’un pré dans la folie du matin (et je sais, puisque j’y écris), du langage et de logique qui serait celle des choses, vieilles comme les vieux textes, imbroglio proliférant où se trame cette invention permanente des choses et des spectacles qui est le monde.

IL N’Y A (et pas qu’une fois, mais à chaque instant, différent au delà de tout cadran) les objets et leurs spectacles, les fêtes toutes plumes dehors.

IL Y A les mises en oeuvre de ce chantier perpétuel que je nomme le monde, surgissements effrénés, si sérieux jeux du cirque naturel par lesquels s’édifient les vestiges de nos actes, de notre ETRE là.

IL Y A la vieille taupe dont m’a parlé Jean Raine - qui s’y connaît un bout - met en scène ses galopades intérieures, replongeant sans fin - sinon la sienne, en est-il d’autres ? - dans ces galeries sans préalable qui sont en fin de compte, les MOYENS des spectacles qu’elle se donne en jetant un coup d’oeil DEHORS, le LIEU aussi d’où elle regarde selon sa propre réalité. Je creuse donc j’y vais.

Pourquoi, en effet, la réalité serait-elle DEDANS plutôt que DEHORS, et inversement ? Qui en déciderait sans honte ? Quel hybride baratineur sciant les pieds de sa propre chaise - et barbotant dans la sciure - pourrait affirmer sans rire (curieux ce texte qui veut s’en aller à l’épique) qu’il sait ce LIEU seul d’où parler importerait, assis lui-même sur une telle fragilité ?

A y voir d’un peu plus près, me voilà mal embarqué moi-même dans cette aventure, alors que la page s’est couverte de signe, de ces mots que je viens d’écrire - de dessiner ? - qui sont la réalité ici, maintenant, SANS PHRASES. Comment s’en sortir ? Suis-je DEDANS, dehors, déjà, après ?

Je cherche l’aune de mon choix, dans le désespoir de la trouver, si ce n’est dans ce que je FAIS ici, PROJETTE maintenant, CREANT du même coup le lieu où j’appelle à l’existence, sans souci des règles du jeu, des dimensions de son espace.

J’en reviens à la réalité : vue d’en dessous (allez-y voir, à la fin, au lieu de patauger), elle entre en ébullition, s’engrosse de ses mouvements mêmes qui nous remuent les tripes. Se chauffe qui peut, on ne se couche jamais deux fois dans la même rue, on ne regarde jamais deux fois le même soleil.

Alors s’enchantent les joyeuses vues sur nos intérieurs qui sont ceux des choses aussi. N’en déplaise aux métronomes de la belle pensée, la réalité dont je cause n’ayant d’objet que sa propre imperfection. TOUT RESTE à faire. L’eau bout sur le réchaud. Je vais me faire du thé.