"C’est voir les choses qui nous les masque" (Jean Raine)
Démasquer pour voir, mourir pour renaître, Jean Raine pratiqua l’autodestruction comme une éthique, entreprise sérieuse où se conjuguent rigueur puritaine et insolence de dandy.
Simone Weill disait que la grâce a besoin de vide. Chez Jean Raine, pour être, l’oeuvre nécessite cette béance née de l’immolation de soi qu’il entretient soigneusement, la toile (sans doute plus que le poème, Jean Raine en écrivit de fort beaux) se tient en lieu et place de la vie même, qu’elle condamne en la consumant. C’est dire que l’acte créateur est d’une sincérité absolue, loin de tout stéréotype, par là même difficilement "consommable" tant il offre de résistance aux cadrages nécessaires à la transformation de l’art en "produit".
Cobra historique, très lié avec les surréalistes, avant tout insoumis et solitaire, comment s’étonner si celui qui écrivit "j’ai tout fait pour nuire à ma personne" reste à ce jour le plus inconnu des artistes du groupe ? Ultime élégance, il inscrivit la souffrance dans les éclatantes subtilités du coloriste raffiné qu’il fut d’autant plus grand que le délabrement physique se faisait plus intense.
Nous aimons Jean Raine.