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De l’automatisme (1984)

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Je ne me hasarderais pas à donner une définition de l’automatisme. L’écriture automatique est un concept d’ordre métaphysique. Prenons l’exemple du premier vers du poème "Azur" de Mallarmé. "La chair est triste, Hélas et j’ai lu tous les livres". Quelle est la valeur des mots et quels mécanismes conduisent à l’association des idées qui les relient ? Certains ont parlé d’évidence poétique, ce qui n’éclaire rien car il faut prouver l’existence de l’évidence poétique. Autre hypothèse : l’association arbitraire, c’est-à-dire voulue de deux propositions qu’un subterfuge de langage a soudées. Troisième hypothèse fondée sur l’électronique. Les mécanismes d’association sont d’une rapidité telle qu’ils défient toute conceptualisation.

Nous ne réussissons à conceptualiser que le résultat d’opérations mentales sur lesquelles ce que nous appelons notre pensée n’a pas prise. Nous sommes des terminaux. Ce qui nous est donné de connaître du processus d’association n’est que le résultat. L’encéphalographe n’est peut-être que l’ancêtre grossier d’un appareil qui permettra d’enregistrer toutes les phases associatives qui relient les "flashes" de conscience, les "plages" de formulation dans la chaîne qui se forme en des infinités de seconde : l’intuition de l’instant, la pensée elliptique, la trouvaille. Le Eureka ! ! !

En aucun cas dans cette hypothèse, l’écriture automatique, pas plus que l’association psychanalytique, n’atteignent leur but : celui de pénétrer en profondeur l’Inconscient. L’inconscient n’est pas une matière, ni une substance de notre psychisme. Une fois de plus l’erreur serait de chosifier une dynamique. L’inconscient est en fait un mécanisme auquel sa complexité donne sa nature d’inconscient. La structure de l’inconscient est la vitesse. L’inconscient longtemps considéré comme illogique, obéit à une logique plus fine que nos macro-logiques formelles.

Prenons le syllogisme le plus élémentaire qui soit. Jean est un homme, or tous les homes sont mortels, donc Jean est mortel. Est-ce un raisonnement ou un truisme ? Ce qui donne sa force à cette proposition est sa motivation qui fait que j’ai besoin de prouver que Jean est mortel. De quelle nature est ce besoin ? Analyse des termes :
1) Jean, est une élaboration d’une absolue complexité qui a conduit à prendre conscience de l’individualité, la réalité de Jean. Le syllogisme le postule.
2) Un homme etc...
Modifions à présent la proposition Jean est un homme, or l’homme est immortel. Des millions de catholiques vont cautionner ce syllogisme.

Autre exemple qui prouve que, soit des théories soit des sentiments d’ordre inconscient sont à la base de toute proposition. Jean est un homme, or tous les hommes sont gourmands. Pour que ce syllogisme soit vrai, il suffit ou d’admettre intuitivement, ou de prouver que tous les hommes sont gourmands. Ce que je me fais fort de prouver en psychanalysant le mot "gourmand", (où il y a choix, il y a désir, appétit ou boulimie). Breton a raison, nos logiques traditionnelles sont grossières. Une vraie logique doit rendre compte des soi-disant illogismes. On le voit, ce que l’on nomme Raison est de l’inconscient rationnalisé. Elle est une forme d’inconscient. En ce cas le surréalisme a tort d’opposer l’un à l’autre. Toute nos évidences sont surréalistes et si nous sommes en quête de merveilleux, il n’y a que de considérer notre incroyable capacité d’entrevoir des vérités dans le tissu de nos erreurs.

Toute erreur scientifique au même titre que la linguistique de Brisset, est de nature surréaliste. Il est aisé de démolir une logique qui n’en est pas une. Mais qu’advient-il si nous considérons avec Bachelard la Raison comme raisonnante, comme théorisante et organisatrice de systèmes cohérents, en opposition le plus souvent avec nos logiques affectives de première instance ?

(fragments épars d’un mini manifeste)
Refuser d’être confiseur, ne pas colorier de la gomme

Par la création, rejoindre les dieux dans une imperfectible imperfection.

Intégrer dans un système la maladresse qui le mette en péril.

Sans trop s’ignorer ne se reconnaître que de loin.

Comme un traité, une peinture n’est qu’un chiffon de papier.

Un voile en moi se lève tandis que des mots aux cadences de vague commencent à rouler comme un flot régulier, fendu par une étrave. Ce n’est pas à proprement parler de l’écriture automatique, cette écriture dont "l’histoire est celle d’une infortune continue", mais pourtant un discours dont le ton tient certains élans du "Message". Le cul sous la ligne de flottaison, je laisse aller ma bouteille, sans croire à la dérive. Une lueur, celle du soleil sous l’eau, dont le plein jour peut se targuer de faire irradier la raison, pose un problème. Un problème qu’il devient urgent de résoudre. Mais baste !

Il n’est pas moins urgent de hanter d’abord la nuit et de faire le bilan de ses essentielles obscurités, avant de se prendre aux ombres dont le soleil est maître et d’en circonscrire des pans, comme l’ont fait Magritte ou Bachelard.

Un retour à la fantasmagorie nocturne s’impose pour en connaître enfin l’ordinateur, car en définitive, un homme est mort, que l’on s’accordait à tenir pour le maître et auquel survit une machinerie qui s’obstine à faire revivre les obsolètes illusions du passé.

Ce passé - celui des grandes illusions - est mort. La fantasmagorie surréaliste a fait fond en premier sur la nuit et, comme les éphémères, mille écrans ont tout aussitôt resplendi : rèves, mots lumineux perçus au travers d’une vitre, visions complices d’une légère pression sur l’oeil de la paupière, jeux dans lesquels, tout voisinage aboli, le plus proche se trouvait dans le lointain d’une association d’idées sans confins avec la première.

Je n’ai plus envie, si envie il y a, que de bégayer la vie. Les phraséologies m’insupportent et que de cons qui en font usage ignorent l’effort énorme qu’il faut consacrer à devenir un parfait imbécile. La perfection n’est pas de ce monde. Une solution provisoire : se laisser pousser des cornes et devenir bovin. Sachons cependant que les pâturages sont rares et amers lorsqu’ils sont. Je déplore à chaque repas à peine consommé, l’absence de gésier.